Être artiste n’est pas un obstacle pour s’ouvrir à d’autres domaines de la vie, et les parents doivent comprendre que la musique est une carrière sérieuse qu’il faut accompagner. C’est le message fort lancé par Elie Nyembo Julien, plus connu sous son nom de scène Eln Black, lors d’un entretien avec La Prunelle RDC.
Âgé d’une vingtaine d’années, licencié en organisation et gestion des entreprises à l’Institut Supérieur de Développement Rural (ISDR), Eln Black vit aujourd’hui de son art. Derrière ses chansons, il y a aussi une structure : sa maison de production Bema Entertainment, qu’il a créée et qui gère sa carrière, son image et ses projets, tout en générant des emplois directs et indirects dans le secteur culturel et événementiel.
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« J’ai fait mes études primaires à La Véronique, secondaires à l’Institut de la Trinité avant d’obtenir mon diplôme universitaire à l’ISDR. Aujourd’hui, je suis un artiste à part entière, mais aussi un entrepreneur culturel », explique-t-il.
La carrière d’Eln Black démarre en 2015 avec son premier titre « Nos vies ». Rapidement, il participe à de grands rendez-vous musicaux : le Festival Sika au Gabon, le Festival Amani à Goma, ou encore le Festiras 2024 à Bukavu. Des étapes marquantes qui l’ont propulsé sur la scène nationale et internationale.
Mais son chemin n’a pas été simple. « Bukavu n’est pas une ville artistique à la base. Les artistes qui nous ont précédés n’ont pas su soigner l’image de la musique. Il fallait donc trouver mes marques et montrer une autre image. Heureusement, la nouvelle génération a compris », confie-t-il.
À ses débuts, il a dû affronter le rejet de ses proches, y compris de ses parents.
« Le jour où je leur ai dit que je voulais faire de la musique, c’était catastrophique. Ils m’ont accusé de vouloir salir l’image de la famille, de devenir un voyou. »
Pour les convaincre, il a misé sur les résultats scolaires, prouvant que la musique pouvait aller de pair avec la discipline et l’ambition.
Nourri par une enfance musicale – sa mère et ses sœurs étaient choristes dans une église locale –, Eln Black a choisi une autre voie : la musique profane. Il y exprime émotions, désirs et expériences de vie. Avec le temps, il s’est formé, notamment en guitare et piano, pour enrichir son art.
Son parcours est jalonné de réussites : nomination au Festival SICA au Gabon, invitation par Music in Africa en 2024, préparation d’une tournée dans la région des Grands Lacs, et surtout, la création de Bema Entertainment, qui emploie aujourd’hui 5 personnes directement et génère plus de 40 emplois indirects lors de ses productions.
Côté discographie, il signe plusieurs titres forts : « Lova yo », « 243 en Deuil », « Remède », « Ndoto » et plus récemment « Forever », une chanson intime et émotionnelle inspirée des récits de son public.
« Le but était d’apaiser les cœurs, soigner les plaies et réveiller de beaux souvenirs, à une époque où beaucoup pensent à la séparation plutôt qu’à la réparation dans l’amour », explique-t-il.
Il multiplie aussi les collaborations et concerts, dont celui du 9 mars 2019, du 14 novembre 2020, du 14 février 2023 à l’Institut Français de Bukavu, ou encore celui du 24 mars 2024 au Steak House, en featuring avec Jeady Jay (France) et Bazir Say (Bukavu).
Eln Black insiste : l’art doit être une source de revenus durables.
« Je vis déjà de ma musique. La majorité de mes financements viennent de mon art. Mais comme nous travaillons en label indépendant, beaucoup est réinvesti dans les projets. Nous manquons encore de partenaires pour franchir un cap », confie-t-il.
Au-delà de ses propres ambitions, il rêve de transformer le visage culturel de Bukavu.
« Ma vision est de créer des opportunités d’emplois à travers la musique, et de prouver que c’est un métier noble, rentable et porteur d’opportunités. »
Aux jeunes qui veulent suivre ses pas, il recommande patience, courage, confiance en soi et valeurs solides.
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« Le talent seul ne suffit pas. Il faut savoir se vendre, connaître le marché, investir. La musique coûte cher. Sans financement ou soutien, il vaut mieux envisager un autre domaine. Mais surtout, ne jamais perdre son identité : être artiste sur scène, et rester soi-même dans la vie. »
Avec Eln Black, la musique n’est pas seulement une passion : c’est un métier, un business et une vision.
Vinciane Ntabala