Régis Biringanine, alias Gissy Jemedali, est bien plus qu’un simple rappeur. Il est la voix d’une jeunesse qui se bat, un artiste qui mélange français et swahili pour faire vibrer Bukavu, et un symbole d’audace dans une société qui doutait de lui. Diplômé en sciences sociales de l’Université Évangélique en Afrique (UEA) depuis 2023, ce jeune artiste s’impose aujourd’hui comme l’un des talents prometteurs de la scène musicale du Sud-Kivu.
Tout commence en 2012, alors que Gissy n’est encore qu’un adolescent. Il rejoint un groupe de rap local baptisé BT Street, aux côtés d’autres jeunes artistes comme Sean Joe Praise. L’aventure est intense mais brève : le groupe finit par se dissoudre. Pourtant, Gissy, lui, continue d’y croire.
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« C’était difficile de concilier les études et la musique, mais j’ai su me créer un emploi du temps. La musique, c’est ma passion. Je ne peux pas vivre sans elle », confie-t-il.
Isolé à ses débuts, sans soutien ni ressources, il doit faire face à une double pression : le manque de moyens et le rejet familial. Dans une société où la musique est encore perçue comme un chemin sans avenir, sa propre famille le considère comme une cause perdue.
« Le studio était trop cher. Il fallait lutter pour payer l’enregistrement, tourner une vidéo… Et on sait tous qu’à Bukavu, la musique ne rapporte presque rien », raconte-t-il, le ton grave.
Les choses commencent à changer quand il trouve enfin un producteur : 2BIS-PRO. Il enregistre plusieurs titres avant de collaborer avec Igwe Beat et Simba. Puis naît une équipe, Bokolo Base, qui devient son cercle de force.
« Chaque fois que je veux abandonner, ils sont là pour me booster. Ils croient en moi ».
Mais c’est en 2020 que Gissy obtient sa véritable reconnaissance : avec la chanson « Après-Corona », réalisée avec Sean Joe Praise, il décroche un prix dans un concours de sensibilisation contre le Covid-19. C’est la consécration.
« Avant, mon père disait que s’il me voyait sur scène, il me frapperait. Ma mère avait cessé de compter sur moi. Mais après ce concours, j’ai pu leur prouver que la musique pouvait être une vraie carrière. J’ai même payé une année académique avec cette récompense ! »
La musique devient alors un pont entre lui et sa famille. Son père lui finance une session studio pour sa chanson « Mieux ». Et un jour, surprise : il découvre sa mère faisant un challenge TikTok sur l’une de ses chansons.
« C’était leur façon de me dire qu’ils croyaient en moi. J’ai pleuré de fierté. »
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Auteur-compositeur, Gissy a déjà plusieurs titres à son actif :
- « Après-Corona » (2020),
- « Ba Umu » (avec Mfalme Jeffrey),
- « Mieux »,
- « Diplômé »,
- et en 2025, il revient avec « Boyons », un morceau festif et humoristique.
« Il va faire chaud cet été ! Avec ‘Boyons’, je veux que mes fans dansent, s’hydratent et profitent de la vie. Que tu bois de l’eau, un Fanta ou un whisky, amuse-toi mais sans abuser. L’important, c’est de vivre chaque instant à fond ! »
S’il est fier de son parcours, Gissy reste lucide : le manque de solidarité entre artistes freine l’essor de la musique à Bukavu.
« La jalousie est le mode de vie de plusieurs artistes ici. À Goma ou ailleurs, les artistes se soutiennent. À Bukavu, c’est chacun pour soi. C’est dommage. »
Il appelle à une vraie cohésion, une culture de soutien entre artistes pour élever ensemble le niveau de la scène locale.
À travers des médias comme La Prunelle RDC, Gissy Jemedali représente une nouvelle génération de talents congolais. Des jeunes, filles comme garçons, qui ont des compétences, des rêves, et qui œuvrent à changer l’image de la province du Sud-Kivu – et de la RDC tout entière – sur la scène internationale.