L’avocate congolaise Marie Rose Néné Bintu Iragi Mudekereza, présidente du Coordination de la Société Civile du Sud-Kivu, a été désignée lauréate du 17ᵉ Prix international des Droits Humains Daniele Po. Ce prix, soutenu par le Parlement européen, le Sénat de la République italienne, la Chambre des députés et la Région Émilie-Romagne, lui sera remis lors d’une cérémonie solennelle prévue le 18 octobre 2025 à Bologne.
Le comité scientifique du Prix a salué « l’engagement exceptionnel » de Me Bintu Iragi dans la défense des droits fondamentaux, la promotion de la paix et la protection de la démocratie en République démocratique du Congo (RDC).
Avocate de formation, militante des droits humains et première femme à avoir dirigé, de 2010 à 2010, le Syndic du Sud-Kivu, qui est le corps des défenseurs judiciaires, elle est devenue une figure emblématique de la résistance civile et de la lutte contre les abus de pouvoir dans son pays.
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Depuis son élection, en avril 2024, à la tête du Coordination de la Société Civile du Sud-Kivu — qui regroupe plus de 2000 ONG et associations —, Me Néné Bintu dénonce sans relâche les violations de la Constitution congolaise, qu’elle décrit comme « l’une des plus belles du monde ».
Ses prises de position mettent en lumière l’impact dramatique de ces violations sur la santé, l’environnement, la gouvernance et la cohésion nationale.
Menacée de mort pour ses prises de parole, la lauréate vit aujourd’hui en exil au Burundi, tandis que sa famille est restée à Bukavu, dans l’est de la RDC.
Elle avait quitté le pays pour participer à une conférence internationale sur la paix au Congo lorsque la milice M23, soutenue par le Rwanda, a pris le contrôle de Goma puis de Bukavu en début d’année 2025.
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ces affrontements ont provoqué la destruction de 70.000 abris d’urgence et le déplacement de 250.000 personnes dans le Nord et le Sud-Kivu.
Malgré la signature d’un cessez-le-feu à Washington le 27 juin 2025 entre la RDC et le Rwanda, de graves violations des droits humains — viols, pillages, enrôlement forcé d’enfants dans les mines — continuent d’être signalées par plusieurs organisations, dont Amnesty International.
Spécialiste du droit électoral et de l’égalité de genre, Me Bintu Iragi coordonne également le Collectif Simama Congo, engagé pour la défense des droits des femmes et la promotion des résolutions 1325 et 2250 de l’ONU, relatives aux femmes, à la jeunesse, à la paix et à la sécurité.
Elle milite pour l’autonomie économique des femmes rurales et pour un dialogue social constructif entre autorités et citoyens, convaincue que la paix durable passe par la réunification du Congo et la justice sociale.
Le comité du Prix Daniele Po justifie son choix par la volonté de garder l’attention internationale éveillée sur les “guerres invisibles”, comme celle qui ravage actuellement l’est de la RDC.
Alors que les projecteurs médiatiques se concentrent sur le Moyen-Orient et la guerre en Ukraine, des millions de civils africains continuent de subir les conséquences de conflits liés au contrôle des ressources naturelles et des terres rares, qualifiées de « nouvelle monnaie des économies de guerre ».
La remise du Prix, coorganisée par la Ville Métropolitaine de Bologne, la Commune de Bologne, la Commune de Pieve di Cento, l’Université de Bologne (Alma Mater Studiorum) et l’Association STRADE APS, sera suivie d’une semaine de rencontres entre la lauréate, des étudiants, des institutions locales et la société civile italienne.
L’Association Insieme per la Pace in Congo, fondée en 2023, participera à ces échanges en apportant témoignages, documentation et plaidoyer pour renforcer les liens de solidarité entre l’Italie et la RDC.
Pour le président de l’Association STRADE, Alessandro Mazzini, le parcours de la lauréate « incarne la résistance pacifique, le courage féminin et la foi en la justice dans un contexte où la paix est chaque jour menacée ».
Son histoire, conclut-il, « est un phare pour l’Afrique et pour le monde, rappelant que la paix commence par la défense des droits humains ».