Le Parlement algérien a adopté, mercredi, une loi criminalisant la colonisation française, marquant un tournant majeur dans la gestion institutionnelle de la mémoire coloniale entre Alger et Paris. Le texte a été voté à l’unanimité par les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), dans une ambiance empreinte de ferveur patriotique.
Selon le média TRT Afrika, la séance, présidée par Brahim Boughali, a abouti à l’adoption d’un projet de loi longtemps évoqué depuis près de quarante ans, sans jamais avoir été concrétisé jusqu’ici. Les élus ont ponctué le vote par des slogans tels que « Vive l’Algérie ! », soulignant la portée symbolique et politique de cette décision.
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Le texte adopté dresse un réquisitoire juridique détaillé contre l’occupation coloniale française, qualifiée de système de crimes imprescriptibles. La loi identifie notamment :
- les exécutions sommaires et la torture généralisée,
- le pillage organisé des ressources nationales,
- ainsi que le passif nucléaire, l’Algérie exigeant la décontamination obligatoire des sites sahariens où 17 essais nucléaires ont été menés entre 1960 et 1966.
Sur le plan interne, la législation durcit également le cadre légal en qualifiant de haute trahison la collaboration des harkis avec l’administration coloniale, et en prévoyant des sanctions pénales contre toute apologie de la colonisation.
L’un des volets les plus sensibles du texte repose sur l’affirmation d’un « droit inaliénable » à une indemnisation intégrale, couvrant les dommages matériels et moraux subis par le peuple algérien. La loi exige en outre des excuses officielles de la France, rompant ainsi avec la politique des gestes symboliques encouragée par Paris à la suite du rapport de l’historien Benjamin Stora.
Si le président français Emmanuel Macron avait qualifié par le passé la colonisation de crime contre l’humanité, ses récentes déclarations remettant en question l’existence d’une nation algérienne avant 1830, ainsi que son refus de présenter des excuses formelles, ont ravivé les tensions entre les deux pays.
Ce vote intervient dans un climat de glaciation diplomatique entre Alger et Paris. Le soutien français au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, conjugué à des différends judiciaires impliquant des figures intellectuelles, a contribué à accentuer les griefs algériens.
Réagissant prudemment, la France s’est abstenue de tout commentaire officiel. Le ministère français des Affaires étrangères a indiqué ne pas vouloir s’exprimer sur des débats relevant de la souveraineté d’un État tiers.
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Avec cette loi, l’Algérie déplace le débat mémoriel du champ strictement historique vers celui du droit et de la justice internationale. En institutionnalisant la responsabilité de l’ancien colonisateur, Alger ne se limite plus à une demande de reconnaissance symbolique, mais pose désormais un ultimatum politique et financier, susceptible de redéfinir durablement ou de paralyser l’avenir des relations algéro-françaises.
Joseph Aciza

