Oslo a vibré, ce mercredi 10 décembre, au rythme d’un cérémonial inhabituel. À l’Hôtel de ville, le Prix Nobel de la Paix 2025 a été solennellement attribué à l’opposante vénézuélienne Maria Corina Machado, icône de la lutte pour la démocratie dans son pays. Mais la lauréate n’était pas là. Sa chaise, vide, est devenue le symbole le plus éloquent de l’étau politique qui se resserre au Venezuela.
Empêchée de se déplacer, privée de candidature à la présidentielle de 2024 et contrainte à une vie de clandestinité depuis plusieurs mois, Machado n’a pu franchir les frontières de son propre pays. L’annonce de son absence, faite par l’Institut Nobel, a donné à la cérémonie une dimension encore plus politique. C’est sa fille, Ana Corina Machado, qui a reçu le prestigieux trophée et lu le discours de sa mère, transformant la scène en un moment d’une rare intensité émotionnelle.
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Figure majeure de l’opposition, Maria Corina Machado est devenue l’ennemie politique numéro un du président Nicolás Maduro, au pouvoir depuis 2013 et accusé d’avoir instauré un régime autoritaire. Le mois dernier, le procureur général Tarek William Saab a été formel : si Machado quittait le territoire, elle serait déclarée « fugitiva ». Les accusations sont lourdes — conspiration, incitation à la haine, terrorisme — un arsenal judiciaire qui laisse peu de doute sur les pressions exercées contre elle.
L’annulation, après un premier report, de la conférence de presse qu’elle devait tenir en amont du Nobel n’a fait qu’accentuer la gravité de la situation. Machado, désormais invisible mais omniprésente, navigue entre sécurité personnelle et engagement politique.
À Oslo, la liste des personnalités présentes souligne l’enjeu international du dossier vénézuélien : le président argentin Javier Milei, les représentants de l’opposition en exil dont Edmundo González Urrutia, ou encore des délégations occidentales. La capitale norvégienne a été placée sous haute sécurité, consciente du poids géopolitique de cette édition du Nobel.
Les États-Unis et l’Union européenne maintiennent la pression sur Caracas. Ils ne reconnaissent pas la légitimité du troisième mandat de Maduro, remporté dans des conditions jugées opaques, et dénoncent une répression systématique des voix critiques.
Mais Machado, malgré son statut de symbole démocratique, n’échappe pas aux controverses. Certains critiques lui reprochent ses affinités politiques avec le président américain Donald Trump, à qui elle a dédié son prix. Devant l’Institut Nobel, des manifestants ont dénoncé l’attribution du prix à des personnalités qu’ils qualifient de « va-t-en-guerre », rappelant les positions fermes qu’elle a prises en faveur de certaines interventions militaires américaines.
Le régime Maduro, fidèle à ses stratégies de communication, a réagi en remerciant « le peuple norvégien » mobilisé « contre la guerre pour le pétrole ».
Ce Nobel devient ainsi un miroir tendu aux dérives du pouvoir vénézuélien. Car si la famille de Machado — sa mère, ses sœurs, ses enfants — était présente à Oslo, son absence, elle, était assourdissante. Un rappel brutal que militer pour une transition démocratique au Venezuela se paie de sa liberté.
Maria Corina Machado n’a pas voyagé à Oslo. Mais sa lutte, elle, y a résonné plus que jamais. Et son absence est devenue un message : là où les voix sont réduites au silence, la reconnaissance internationale prend la forme d’un acte de résistance.
Joseph Aciza

