L’annonce du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim A.A. Khan, concernant la réactivation des enquêtes sur les crimes présumés en République Démocratique du Congo (RDC) a suscité de vives réactions parmi les acteurs sociaux du Sud-Kivu. Cette décision, qui se concentre particulièrement sur la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022, a été accueillie avec soulagement et espoir par de nombreux défenseurs des droits humains et membres de la société civile.
Un soulagement pour la Société civile
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Me Nene Bintu Iragi, Présidente du Bureau de Coordination de la Société Civile Forces vives du Sud-Kivu, a exprimé son soulagement en affirmant que cette annonce témoigne d’une écoute du message du peuple congolais.
« La Société Civile du Sud-Kivu est vraiment soulagée d’apprendre que le Procureur de la CPI a enfin compris notre ras-le-bol. La CPI ne pouvait pas rester silencieuse face aux crimes horribles commis en RDC. Bien que nos juridictions congolaises puissent connaître des crimes de guerre, les poursuites sont souvent entravées par la protection dont bénéficient les bourreaux au sein des institutions. Nous espérons que cette relance des enquêtes mènera à des procès sérieux contre ceux qui causent tant de souffrances. »
Cette déclaration met en lumière le sentiment d’impunité qui prévaut dans le pays, et l’espoir que la CPI puisse agir là où les institutions nationales échouent.
Jean-Chrystostome Kijana, Président national de la Nouvelle Dynamique de la Société Civile en RDC (NDSCI), a également salué la mesure, tout en appelant à une prise en compte des crimes plus anciens.
« Nous accueillons cette annonce avec optimisme, mais il est crucial que les enquêtes ne se limitent pas seulement aux crimes commis après 2002. Nous voulons que tous les crimes, y compris ceux remontant à 1996, soient pris en compte. La création d’une Cour pénale spéciale est essentielle pour mettre fin à l’impunité. Tous ceux impliqués, qu’ils soient congolais ou étrangers, doivent répondre de leurs actes. »
Kijana souligne ainsi l’importance de prendre en considération l’ensemble du contexte historique des violences en RDC, afin de rendre justice aux victimes de longue date.
Le Professeur Luc Henkinbrant, membre de l’Observatoire de la Parité et impliqué dans les questions de justice transitionnelle, a également réagi à l’annonce de la CPI. Il a salué l’idée d’une cour pénale spéciale, tout en insistant sur l’urgence de collecter et préserver les preuves des crimes commis.
« C’est un pas en avant pour la justice transitionnelle en RDC. Cependant, il est essentiel de commencer à rassembler des preuves tangibles. La mise en place d’une équipe d’enquêteurs, intégrée dans la MONUSCO, est urgente pour garantir que les éléments de preuve nécessaires soient disponibles lors des futurs procès. »
Henkinbrant met en avant la nécessité d’actions concrètes et immédiates pour que la justice puisse être réellement rendue.
Les réactions unanimes des acteurs sociaux du Sud-Kivu témoignent d’un profond désir de justice et de responsabilité.
L’annonce de la CPI représente une lueur d’espoir pour un pays qui a souffert d’un cycle de violences impunies. Les acteurs de la Société civile insistent sur la nécessité d’une approche exhaustive, qui inclut tous les crimes commis, afin d’assurer que justice soit rendue à toutes les victimes.
L’éventuelle création d’une Cour pénale spéciale et la coopération avec les autorités nationales sont considérées comme des étapes cruciales pour mettre un terme à l’impunité qui règne en RDC.
Les acteurs sociaux, tout en se réjouissant de l’initiative de la CPI, restent vigilants et déterminés à faire entendre leur voix pour que les promesses de justice se concrétisent enfin.
Contexte
Pour rappel, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim A.A. Khan, a annoncé la réactivation des enquêtes concernant les crimes présumés commis dans la République Démocratique du Congo (RDC), en mettant l’accent sur la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022.
Cette décision fait suite à un renvoi des autorités congolaises, qui ont sollicité l’ouverture d’enquêtes sur leur territoire à deux reprises. Le premier renvoi, datant de 2004, concernait des crimes commis sur l’ensemble du territoire congolais depuis 2002. Un second renvoi a été effectué en mai 2023, ciblant spécifiquement les actes de violence dans le Nord-Kivu.
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Khan a précisé que les enquêtes se concentreront sur les crimes liés au Statut de Rome, soulignant que la violence actuelle est intimement liée à des schémas récurrents observés depuis près de deux décennies. Il a assuré que l’enquête ne se limitera pas à des groupes ou individus spécifiques, mais examinera la responsabilité de tous les acteurs impliqués.
L’accent sera mis sur la complémentarité et la coopération avec les autorités nationales pour garantir une justice efficace pour les victimes. Dans ce cadre, un Mémorandum d’entente, signé en juin 2023, vise à renforcer le dialogue et la collaboration entre la CPI et la RDC.
Khan a également salué la création d’un comité de pilotage par les autorités congolaises pour établir une Cour pénale spéciale, affirmant que le Bureau de la CPI est prêt à fournir une assistance technique pour soutenir ce mécanisme.
L’objectif final de cette démarche est de mettre fin aux cycles d’impunité en RDC, en adoptant une stratégie de justice transitionnelle durable et viable. Selon le Procureur, seul un effort conjoint entre la RDC, la CPI et la communauté internationale permettra d’atteindre cet objectif ambitieux.
Eliane Mufungizi