Le Royaume-Uni devrait renoncer à l’accord de transfert de demandeurs d’asile conclu avec le Rwanda et prendre des mesures pour améliorer la protection des résidents et réfugiés rwandais sur son territoire. C’est en tout cas ce que rappelle l’organisation Human Right Watch alors que la Cour Suprême un recours du gouvernement contestant le refus par la justice d’expulser des demandeurs d’asile vers le Rwanda.
Dans un nouveau rapport, HRW explique que les autorités du Rwanda et leurs intermédiaires utilisent la violence, les mécanismes judiciaires et l’intimidation pour tenter de faire taire les voix critiques de Rwandais dans le monde entier. Un rapport dans lequel des abus, qui ont généré un climat de peur et d’auto-censure, sont mis en lumière.
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Dans ce rapport de 129 pages, intitulé « “Rejoins-nous ou tu mourras” : La répression extraterritoriale exercée par le Rwanda », Human Rights Watch documente un large éventail de tactiques qui, lorsqu’elles sont utilisées conjointement, forment un écosystème mondial de répression visant à museler les voix dissidentes, mais aussi à intimider les détracteurs réels, potentiels ou supposés, y compris des Rwandais qui ont sollicité une protection internationale. La combinaison de la violence physique, y compris les meurtres et les disparitions forcées, de la surveillance, du recours abusif aux mécanismes d’application de la loi – à la fois nationaux et internationaux –, des abus à l’encontre des proches au Rwanda et des atteintes à la réputation par le biais du harcèlement en ligne constitue une tentative évidente d’isoler les détracteurs potentiels.
« Les conclusions de Human Rights Watch mettent en évidence le fait que le Rwanda n’est pas un pays sur lequel le Royaume-Uni devrait compter pour respecter les normes internationales ou les principes d’un État de droit en ce qui concerne les demandeurs d’asile », a déclaré Yasmine Ahmed, directrice pour le Royaume-Uni à Human Rights Watch. « Le projet du gouvernement britannique nuit considérablement à la réputation internationale du Royaume-Uni en tant que pays qui prétend défendre les droits humains ».
En avril 2022, les gouvernements du Royaume-Uni et du Rwanda ont annoncé la signature d’un Accord de partenariat en matière d’asile, en vertu duquel le Royaume-Uni prévoit d’expulser vers le Rwanda les personnes qui demandent l’asile sur le territoire britannique. En juin, la Cour d’appel du Royaume-Uni a statué que cet accord de partenariat était illégal car les demandeurs d’asile expulsés vers le Rwanda risquent d’être renvoyés dans leurs pays d’origine, où ils sont susceptibles d’être maltraités.
Human Rights Watch a constaté que des Rwandais vivant au Royaume-Uni, qui avaient été mis en garde au sujet de menaces les visant, ont dû prendre des mesures extrêmes pour leur sécurité. Certaines personnes interviewées, y compris au Royaume-Uni, ont déclaré que les membres de leurs familles restés au Rwanda avaient subi des pressions pour faire taire leurs proches en exil. Plusieurs Rwandais ont demandé à Human Rights Watch de ne pas révéler leur identité et certains ont exprimé leurs préoccupations à l’idée que l’entrée en vigueur de l’Accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda puisse signifier que leur sécurité ne serait plus une priorité pour le gouvernement britannique.
Faustin Rukundo, ancien membre de haut rang d’un groupe d’opposition rwandais qui vit désormais en exil au Royaume-Uni, a déclaré que sa famille avait dû changer à plusieurs reprises de téléphones à cause d’appels et de messages de menaces qu’elle recevait. « Nous changeons régulièrement de téléphone, mais ils trouvent toujours le numéro », a-t-il dit. Sa femme, Violette Uwamahoro, a affirmé que ses amis ont aussi reçu des menaces : « Toute personne proche de moi est menacée », a-t-elle expliqué. « Ici, l’ambassade [du Rwanda] passe en revue les amis. »
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Le 2 octobre 2023, le ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement (UK Foreign, Commonwealth and Development Office, FCDO) a répondu, au nom du ministre des Affaires étrangères et de la ministre de l’Intérieur, à une demande d’information de Human Rights Watch, mais s’est abstenu de commenter les cas documentés dans le rapport ainsi que les préoccupations exprimées par les Rwandais interviewés. Il a plutôt affirmé de manière générale que « les tentatives par des gouvernements étrangers de contraindre, intimider, harceler ou porter atteinte à leurs détracteurs hors de leurs frontières, compromettant la démocratie et l’État de droit, sont inacceptables ».
Pourtant, les autorités rwandaises ont ouvertement instrumentalisé les droits des réfugiés et menacé de cesser d’accueillir certains réfugiés au Rwanda.
En 2018, insiste HRW, les forces de sécurité rwandaises ont ouvert le feu et tué au moins 12 réfugiés qui protestaient contre une réduction des rations de nourriture. Le 1er octobre 2023, des déclarations secrètement enregistrées du Haut-Commissaire rwandais au Royaume-Uni, Johnston Busingye, en réponse à une question sur les tirs des forces de l’ordre et le meurtre des réfugiés, ont bien illustré le mépris des autorités rwandaises pour la perte de ces vies humaines : « Oui, cela s’est peut-être passé, et alors ? ».
Le Haut-Commissaire a également semblé réticent à exclure la possibilité que les réfugiés expulsés du Royaume-Uni puissent être renvoyés dans leurs pays d’origine.
Depuis avril 2022, le Royaume-Uni s’est abstenu de critiquer les violations des droits humains commises par le Rwanda aussi bien au niveau national qu’extraterritorial. La réticence du Royaume-Uni à condamner les violations des droits humains au Rwanda lui a valu des critiques émanant de tout le spectre politique britannique, y compris de la part de l’ancienne ministre des Affaires étrangères Justine Greening, qui a déclaré que l’accord sur les demandeurs d’asile risquait de « rétrograder » la politique étrangère du Royaume-Uni.
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Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 150 personnes à travers le monde à propos des tactiques employées par les autorités rwandaises et leurs intermédiaires pour cibler des Rwandais à l’étranger. Human Rights Watch a documenté des abus commis contre des Rwandais vivant en Afrique du Sud, en Australie, en Belgique, au Canada, aux États-Unis, en France, au Kenya, au Mozambique, en Ouganda, au Royaume-Uni et en Tanzanie, ainsi qu’avec des membres de leurs familles au Rwanda.
Human Rights Watch a documenté plus d’une dizaine de meurtres, d’enlèvements ou de tentatives d’enlèvement, de disparitions forcées et d’agressions physiques visant des Rwandais à l’étranger. Le gouvernement rwandais a cherché à utiliser la coopération policière internationale, y compris les notices rouges d’Interpol, les mécanismes judiciaires et les demandes d’extradition pour demander l’expulsion de détracteurs ou de dissidents vers le Rwanda.
Les personnes interviewées ont rapporté que, dans de nombreux cas, leurs proches au Rwanda ont été la cible de détentions arbitraires, d’actes de torture, de harcèlement et de restrictions des déplacements afin de punir, de museler ou encore d’exercer une pression sur les membres de leur famille vivant à l’étranger. Ces pratiques sont mises en œuvre afin de préserver l’image positive du Rwanda, d’étouffer la dissidence qui pourrait émerger depuis l’étranger et de renforcer le message dissuasif selon lequel il y a un prix à payer pour les détracteurs au sein du pays.
Human Rights Watch a constaté que des responsables d’ambassades rwandaises, des membres de la Communauté des Rwandais à l’étranger (Rwandan Community Abroad, RCA), un réseau mondial d’associations de la diaspora rwandaise lié au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, ou d’autres personnes qui leur sont liées, ont surveillé des Rwandais à l’étranger et ont fait pression sur eux pour qu’ils les rejoignent, qu’ils retournent au Rwanda ou qu’ils cessent de critiquer le gouvernement.
Plusieurs personnes vivant en exil, y compris des rescapés du génocide, ont raconté qu’elles ont été attaquées en ligne pour avoir critiqué le parti au pouvoir. Certaines personnes interviewées ont déclaré que, dans certains cas, les membres de leur famille avaient été forcés de les dénoncer sur les chaînes YouTube pro-gouvernementales.
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En prenant pour cible les dissidents réels ou supposés à l’étranger ainsi que leurs proches, les autorités rwandaises ont violé un éventail de droits, notamment les droits à la vie, à la sécurité physique et à la liberté, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit à la vie privée, le droit à un procès équitable, la liberté de mouvement, ainsi que la liberté d’expression et d’association.
« Compte tenu du ciblage éhonté par le Rwanda de ses réfugiés, demandeurs d’asile et d’autres membres de la diaspora rwandaise à travers le monde, le gouvernement du Royaume-Uni ne peut pas, en toute bonne foi, prétendre que le Rwanda est un pays tiers sûr vers lequel il est possible d’envoyer des demandeurs d’asile », a affirmé Yasmine Ahmed. « Le Royaume-Uni devrait une fois pour toutes renoncer à son projet cruel d’expulsion de demandeurs d’asile ».
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