Dans un univers souvent réservé aux hommes, Sandra Simbakwira bouscule les codes et écrit sa propre histoire, caméra au poing et rêves plein la tête. Mère célibataire, vidéaste, passionnée de cuisine, coordinatrice de Ciné Buk et initiatrice de Kino Bukavu, Sandra est de ces femmes que rien n’arrête. Telle une héroïne moderne, elle conjugue passion, résilience et ambition pour faire rayonner le cinéma à Bukavu et au-delà.
Diplômée en pédagogie générale du Lycée Cirezi, puis licenciée en communication sociale, Sandra cultive très tôt un intérêt pour le cinéma, hérité de son père, cinéphile averti. Pourtant, elle ne pense pas immédiatement en faire une carrière. C’est en 2010, alors qu’elle étudie à Bujumbura, que tout s’éclaire. Elle y participe à une formation du Burundi Film Center sur l’écriture cinématographique : un déclic.
« C’est là que la passion qui était endormie s’est réveillée », confie-t-elle à La Prunelle RDC.
Elle enchaîne ensuite plusieurs formations pour aiguiser son regard : au Burundi, à Arusha Film Institute en Tanzanie, avec 3Tamis, à La Fémis à Paris, et une dernière en écriture avec le cinéaste ivoirien Toualy Tapé Cyrille.
De retour au pays, elle travaille de 2015 à 2017 chez Kiosque Marketing, puis à Rabsh Stability, un studio de production. Elle avoue que le cinéma n’était alors presque pas présent à Bukavu, d’où sa bifurcation vers la communication et le marketing.
Mais en 2019, elle revient à ses premiers amours : elle suit une formation sur le documentaire avec 3Tamis et décide de foncer.
Kino Bukavu : un rêve devenu plateforme
En 2021, Sandra lance Kino Bukavu, une plateforme pour la production de courts-métrages. Le projet est un succès retentissant dans la ville. Elle enchaîne avec une formation de trois mois à Paris, après avoir été sélectionnée par La Fémis, prestigieuse école de cinéma et un atelier atelier d’écriture avec l’acteur et réalisateur sénégalais Mama Keita à Kinshasa.
De retour à Bukavu, elle organise la deuxième édition de Kino Bukavu et fait venir le cinéaste Toualy Tapé Cyrille pour former de jeunes talents, en partenariat avec l’Institut Français.
« Ça ne se voit pas mais je suis une rêveuse. Je vis dans ma tête. Le cinéma, c’est ma façon de raconter mes histoires. »
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La vie n’est pourtant pas un long métrage linéaire. Face à la précarité du secteur cinématographique local et l’absence de rémunération, Sandra fait une pause. Elle se consacre à la cuisine et la pâtisserie – héritage de sa mère – pour subvenir aux besoins de son fils de 9 ans et « garder la tête hors de l’eau ». Mais le cinéma finit toujours par la rattraper.
Dans un milieu encore très masculin, elle reprend caméra et micro, décidée à s’imposer, notamment en technique, un domaine rarement investi par les femmes.
« Quand j’ai commencé, j’étais souvent la seule fille dans les formations. Je n’ai jamais eu peur du regard des autres. Je voulais exceller et prouver que les femmes aussi peuvent faire bouger les choses derrière la caméra. »
Prise de son, montage, image, écriture… Elle maîtrise plusieurs cordes du métier, refusant d’être réduite à un rôle devant la caméra.
« Ce qui m’intéresse, c’est faire partie de l’équipe qui rend la magie possible. »
Militer pour un cinéma congolais plus ambitieux
Sandra déplore le manque de moyens et de confiance accordée aux jeunes cinéastes de Bukavu. Pour elle, si la qualité est parfois en deçà, ce n’est pas par manque de talent mais de soutien.
« On est en train d’y arriver ! Il faut qu’on nous donne les moyens de prouver ce qu’on vaut. »
Une deuxième chance, une victoire éclatante
Elle en est la preuve vivante. Sélectionnée parmi les 20 meilleures propositions du concours @Pitch O Féminin, organisé par l’ONG YERDA, elle soumet « Ni fille ni mère », un projet documentaire inspiré de sa propre expérience de mère célibataire.
Non retenue à la première sélection finale, elle pense tout abandonner. Mais deux semaines plus tard, elle reçoit un courriel : une participante s’est désistée, et son projet est repêché. Elle y voit un signe du destin.
Après une formation intense de trois jours, elle défend son projet une seconde fois. Cette fois-ci, elle convainc le jury et décroche la première place.
« Ce trophée, c’est le premier d’une longue série. »
Sandra n’oublie pas d’où elle vient. Elle s’adresse aux filles et femmes qui, comme elle, rêvent de cinéma :
« Rien n’est facile, surtout dans des métiers dominés par les hommes. Mais si vous voulez écrire, filmer, réaliser, il faut vous lever et vous imposer. Ne taisez pas vos passions ! »
Aujourd’hui, Sandra Simbakwira n’est plus seulement une cinéaste. Elle est un modèle. Une voix. Une force tranquille qui transforme ses blessures en histoires, et ses rêves en projets collectifs.
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