Le gouvernement sénégalais a annoncé la suspension immédiate de l’accord d’extradition avec la France, invoquant un manque de réciprocité de la part de la justice française. La décision a été officialisée jeudi par la ministre de la Justice, Yassine Fall, devant l’Assemblée nationale. Elle marque un refroidissement notable des relations judiciaires entre Dakar et Paris, partenaires historiques en matière de coopération judiciaire.
Selon la ministre, cette mesure fait suite au blocage persistant de plusieurs demandes sénégalaises d’extradition visant deux ressortissants réfugiés en France, dont un homme d’affaires de premier plan et un patron de presse influent, tous deux poursuivis dans leur pays pour des affaires financières. Dakar reproche à Paris des lenteurs jugées injustifiées dans le traitement de ces dossiers, pourtant considérés comme prioritaires par les autorités sénégalaises.
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Signé en septembre 2021 pour renforcer l’entraide judiciaire entre les deux pays, l’accord est désormais gelé à l’initiative du Sénégal. Yassine Fall a indiqué que, sur dix-neuf demandes d’extradition formulées par la France entre 2024 et 2025, le Sénégal en avait exécuté trois, tandis que ses propres requêtes adressées à la justice française n’ont, à ce stade, connu aucune suite favorable.
« S’agissant d’un accord bilatéral, le principe de réciprocité doit s’appliquer. Le Sénégal entend respecter ses engagements internationaux, mais aussi rappeler que ces accords ne peuvent fonctionner que s’ils sont mis en œuvre de manière équitable par les deux parties », a déclaré la ministre lors de l’examen du budget de son ministère.
Par cette suspension, Dakar entend faire pression sur Paris afin d’obtenir une avancée sur les dossiers en attente, alors que la France a récemment reporté sa décision concernant l’extradition des personnalités mises en cause. Pour les autorités sénégalaises, l’application de la justice ne saurait être à sens unique.
Ce geste est perçu comme un signal politique fort, traduisant la volonté du Sénégal d’affirmer davantage sa souveraineté, y compris dans ses relations avec ses partenaires traditionnels. Reste à savoir si la France, par l’intermédiaire de sa Chancellerie, réagira rapidement pour apaiser ce différend, dont les conséquences pourraient dépasser le cadre judiciaire et affecter plus largement la coopération bilatérale.

