L’alarme retentit sur les rives du lac Kivu. La suspension de la navigation nocturne, décidée par le Ministre National des Transports, semble plus qu’une simple précaution : elle pourrait mener à une catastrophe. Depuis quelque temps, cette mesure est en vigueur sur le lac, suite à des naufrages tragiques, notamment celui du MV Merdi près de Goma. Mais en réalité, les conséquences de cette décision sont alarmantes.
Pour beaucoup, la mesure apparaît comme inadaptée, en particulier pour les bateaux respectant les normes de sécurité. L’enjeu est de taille : sur le lac Kivu par exemple, au moins huit bateaux faisaient des navettes la nuit entre Bukavu-Goma et vice-versa avec parfois des escales sur les régions riveraines. Depuis, ils sont contraints de ne voyager que la journée pour arriver à midi ou peu après 13 heures. Or, explique une source, cela ne correspond pas à leurs capacités techniques. Ces bateaux ont la capacité de naviguer pendant au moins 12 heures sur les eaux et la nuit était le meilleur moment pour eux. Aucun client ne prendrait à ce jour le risque de naviguer de 7 heures à 19 heures et pendant la journée.
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Aussi, en naviguant la nuit, la consommation de carburant est très réduite et cela est rentable économiquement.
Résultat : nombreux ne quittent pas le quai et les bateaux deviennent rares sur le Lac Kivu.
Avec cette suspension, le lac Kivu voit ses bateaux devenir aussi rares qu’un mirage.
Une source au sein des armateurs a confié à La Prunelle RDC qu’en moyenne, seulement quatre bateaux étaient vraiment opérationnels pendant la journée.
Résultat : une saturation catastrophique avec l’absence des bateaux de nuit. Les passagers, comme des sardines dans une boîte, se pressent à bord dans des conditions de promiscuité insupportables.
En cette période de crise sanitaire, notamment avec l’épidémie de Monkeypox, ces conditions de transport soulèvent de réelles inquiétudes pour la sécurité physique et la santé des voyageurs.
« Hier, j’ai quitté Goma pour rejoindre ma famille à Bukavu. J’étais tellement entassé que je n’ai même pas pu profiter de la traversée ! », raconte un passager, exprimant son désespoir.
La surcharge devient alors un problème majeur, accentué par la suspension des voyages nocturnes. Les risques de naufrage augmentent avec des bateaux déjà chargés à bloc, transportant marchandises et passagers dans ce doux lac dont les eaux peuvent parfois être agitées.
Les effets économiques de cette suspension sont tout aussi inquiétants. Les commerçants, majoritairement des femmes, qui utilisaient les trajets nocturnes pour optimiser leurs déplacements, se retrouvent dans une impasse. Ne pouvant plus voyager de nuit, elles sont contraintes de passer la nuit à Goma ou Bukavu, engendrant des frais d’hébergement qui impactent leur budget.
« Avant, je pouvais partir le soir et revenir le matin avec les marchandises. Maintenant, je dois rester une nuit de plus, et cela me coûte cher », se plaint une commerçante.
Face à cette situation, les armateurs commencent à s’opposer à la décision gouvernementale. Certains se demandent si c’est vraiment la navigation nocturne qui pose problème.
Au contraire, certains proposent de renforcer les normes de sécurité pour les pirogues motorisées en bois, tout en continuant à permettre la navigation nocturne pour les bateaux, qui, selon eux, pourrait être sécurisée grâce à un meilleur balisage qui se fait déjà.
Pour ces armateurs, la sécurité ne devrait pas se faire au détriment de la viabilité économique et du bien-être des populations. Un armateur est formel : si rien n’est fait, la navigation sur le lac Kivu risque de sombrer dans un chaos bien plus dangereux que ce que la mesure prétendait éviter !
Suzanne Baleke
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