Artiste musicien, Sean Joe Praise est un jeune dans la vingtaine qui se distingue par un style musical « tradi-moderne », alliant rythmes traditionnels et modernes. Il chante dans sa langue maternelle, le mashi, mais aussi en swahili, en français et en anglais, une richesse linguistique qui lui permet de toucher un public large et varié.
Né à Goma, dans la célèbre ville volcanique de l’Est de la RDC, Sean Joe a grandi dans son village natal de Ngweshe, situé dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu jusqu’à 7 ans. De son vrai nom Asifiwe Safari Joël, il évolue actuellement dans la ville de Bukavu, où il poursuit sa carrière musicale.
Pour lui, l’art est une passion qui l’habite depuis l’enfance. Très jeune déjà, il ne pouvait résister au rythme de la musique, se sentant transporté chaque fois qu’il entendait même un simple générique à la radio.
« Je me suis lancé dans la musique à partir de 2013. Mais avant cela, j’étais un grand amateur. Même pour un générique d’information à la radio, je me mettais à sauter. C’était peut-être quelque chose qui était en train de naître en moi », confie-t-il.
Une vocation révélée tôt mais marquée par des obstacles familiaux et sociaux
C’est sur les bancs de l’école secondaire qu’Asifiwe découvre réellement son talent pour la musique. Il commence à chanter lors des promos scolaires, en compagnie de ses amis. C’est également à cette époque qu’il fait ses premières expériences en studio, des moments décisifs qui vont le rapprocher davantage de son rêve.
Malgré son talent, Sean Joe a dû faire face à des difficultés liées à l’image de la musique locale, souvent dévalorisée dans son entourage. Cette perception négative l’a poussé à cacher son talent à sa famille, par peur de subir une interdiction. Il se rappelle notamment que ses parents lui avaient déjà interdit de jouer au basket, craignant qu’il ne devienne « dévergondé ».
« L’événement qui a marqué ma carrière, c’est l’arrivée du Covid-19. On a participé à un concours intitulé Jeunes talents contre Covid-19, avec un artiste nommé Gissy Jemedali. On a réalisé une chanson intitulée L’ après Corona, qui a été sélectionnée parmi les meilleures du concours. On a gagné un bon paquet ! C’était pour moi l’occasion idéale d’annoncer à ma famille que je faisais de la musique depuis longtemps. Pendant toutes ces années, j’avais peur de leur dire, redoutant leur refus. Pourtant, c’était une des choses qui me raccrochaient à la vie. »
Le poids du regard social sur les jeunes artistes
Au-delà de la famille, Sean Joe souligne que la communauté elle-même, pourtant premier public et potentiel soutien, peut devenir un obstacle pour les jeunes artistes. Il évoque un manque de soutien des producteurs, des organisateurs d’événements culturels, mais aussi de la société en général, qui valorise davantage les talents extérieurs.
« Le non-développement de l’art local est partagé entre les producteurs et les organisateurs d’événements culturels, qui privilégient les artistes venus d’ailleurs, même en termes de cachets. Il y a aussi la société, qui ne veut pas soutenir l’art de chez elle, et les personnes qui ont les moyens d’aider les jeunes mais qui ne le font pas. »
Et d’ajouter, un brin désabusé :
« La mentalité de notre population est encore basse. Imagine : tu composes une chanson, tu vas au studio, tu réalises un clip, tu postes le lien, et tu l’envoies à un ami, un oncle, une tante, un cousin… Et il commence à te poser des questions, ou pire, il exige que tu lui envoies des mégas avant même de visionner ta production ! »
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Une discographie engagée et croissante
Connu à Bukavu grâce à sa chanson « Nanga Mashi », sortie en 2021 en collaboration avec DJ Coco, Sean Joe Praise est également diplômé à l’Université Officielle de Bukavu (UOB) depuis 2021, au sein de la faculté des sciences sociales, politiques et administratives, dans le département des relations internationales.
En 2022, il revient avec « Bunga », en featuring avec Eric Flash, avant de connaître un véritable succès avec « Sakayonsa », une chanson révolutionnaire qui interpelle le peuple africain et les dirigeants à abandonner le culte de la personnalité.
En juin 2025, il sort la chanson « Tour yako », un titre fort qui invite à la compassion, à l’amour du prochain et à la cohésion sociale. À travers cette chanson, Sean Joe rappelle que le sort peut tourner pour chacun, et qu’il faut éviter les jugements hâtifs.
« Tour yako est une chanson de conscientisation. Elle montre qu’en bien ou en mal, chacun a son tour. Aujourd’hui, c’est peut-être mon tour d’être au sommet ; toi qui n’y es pas encore, tu dois le reconnaître, sans jalousie ni jugement. Il faut comprendre que ton tour viendra. La roue tourne toujours », explique-t-il.
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Il appelle d’ailleurs la population de Bukavu et d’ailleurs à écouter cette chanson sur sa chaîne YouTube : Sean Joe Praise.
Une jeunesse à l’honneur en ce 15 juillet
Chaque 15 juillet, le monde célèbre la Journée mondiale des compétences des jeunes. Fidèle à sa ligne éditoriale, La Prunelle RDC met un point d’honneur à accompagner les jeunes, valoriser leurs talents et amplifier la voix des femmes.
À travers son parcours, Sean Joe Praise incarne le rêve d’une génération qui veut s’exprimer, innover et construire autrement.
Son message ? Persévérer. Croire en son art. Et ne jamais oublier d’aimer.